Droit de retour : biens pour le conjoint !

La présence d'un conjoint survivant modifie la dévolution successorale. Avec le droit de retour, ce dernier va bénéficier d'un régime successoral de faveur, aussi bien d'un point de vue civil que fiscal, au détriment des autres parents du défunt.
Lorsqu'une personne décède, la loi reconnaît une vocation successorale et donc la qualité d'héritier, à certains " parents " et au conjoint survivant. En pratique, le patrimoine de la personne décédée est transmis à ses héritiers en fonction d'un ordre de priorité. À défaut de descendant, les biens de famille transmis au défunt vont appartenir en partie ou en totalité selon les cas, au conjoint survivant, nonobstant la volonté initiale des donateurs.
Naissance et utilité du droit de retour
En présence du conjoint survivant ou de frères et sœurs, et toujours en l'absence de descendants, le père et la mère du défunt appelés à la succession en raison de l'ordre et du degré ne peuvent récupérer que la moitié du patrimoine de la succession soit un quart chacun. Par ailleurs, n'ayant pas la qualité d'héritier réservataire, ils peuvent se voir privés également de ce droit en cas d'exhérédation souhaitée par le défunt dans un testament.
Quant aux frères et sœurs du défunt, en l'absence de descendant, le conjoint survivant a vocation à recueillir la totalité de la succession, ces derniers sont par conséquent exclus de la succession.
Pour assurer la conservation des biens dans le patrimoine familial, le législateur a créé un mécanisme juridique correctif appelé " le droit de retour ". Le droit français prévoit deux formes de droit de retour : le droit de retour légal et le droit de retour conventionnel.
le droit de retour légal
La naissance de ce droit de retour est venue constituer une exception au principe selon lequel " la nature des biens ou leur origine n'a pas d'incidence sur les droits successoraux. " Avec ce type de droit de retour, les biens seront dévolus selon leur origine. La loi a accordé un droit de retour légal à certains parents, à savoir : aux ascendants, aux frères et sœurs du défunt ainsi qu'aux familles adoptives. Pour permettre son application, le de cujus* doit décéder sans postérité car tout descendant fait obstacle au retour, qu'importe la filiation.
Concernant les ascendants. Issu de l'article 738-2 du Code civil, créé par une loi de 2007 suite à la suppression de la réserve des ascendants, le droit de retour permet aux pères et mères appelés à la succession de demander à récupérer le ou les biens donnés au défunt. Ce droit s'exerce à hauteur de leurs droits successoraux : un quart en pleine propriété du bien chacun.
Si le bien a été aliéné, le droit de retour s'exercera alors en valeur dans la limite de l'actif successoral. Ce droit étant d'ordre public à leur égard, il ne peut être écarté par anticipation. Si les parents décèdent avant d'avoir exercé leur droit de retour légal (sans y avoir renoncé expressément), il est transmis à leurs héritiers.
En matière de fiscalité, la loi de finance rectificative pour 2006 a instauré une exonération de droits de mutation à titre gratuit à l'occasion de l'exercice de ce droit.
Situation des collatéraux privilégiés, les frères et sœurs et leurs descendants. Pour compenser l'accroissement des droits du conjoint survivant instauré par la loi du 3 décembre 2001, le législateur a prévu un droit de retour légal au profit des frères et sœurs sur les biens que le défunt avait reçus de leur patrimoine commun (ascendants communs). Ce droit de retour est prévu à l'article 757-3 du Code civil. Il permet à ces derniers de se retrouver héritiers de la succession alors qu'ils ne l'étaient plus en présence du conjoint survivant. Mais ce droit n'existe qu'en l'absence de descendant et d'ascendant. En l'exerçant, les frères et sœurs vont pouvoir hériter de la moitié du ou des biens de famille en nature, donnés ou transmis par décès au de cujus. Enfin, contrairement au droit de retour des ascendants, ce dernier n'est pas d'ordre public et ne peut s'exercer en valeur. Il peut donc être écarté par le défunt.
Fiscalité de ce type de droit. Il se voit soumis aux droits de mutation à titre gratuit au tarif applicable entre frères et sœurs. En effet, ce droit de retour légal s'exerce sur les biens donnés au défunt par ses parents ou autre ascendant. Par conséquent, les frères et sœurs qui recueillent le bien étaient tiers à l'acte de donation. On ne peut pas admettre que le bien n'ait jamais quitté le patrimoine du donateur, contrairement au droit de retour des parents.
Cas des familles adoptives dans le cadre de l'adoption simple. Le droit de retour est prévu par l'article 366 du Code civil. La succession de l'adopté simple est en principe dévolue conformément au droit commun lorsqu'il laisse un ou plusieurs descendants ou son conjoint survivant.
À défaut, le droit de retour va s'appliquer et sa succession va alors se diviser en trois parties : les biens reçus par l'adopté de ses parents de sang leurs reviennent, il en va de même pour ses parents adoptifs.
Enfin, le surplus des biens de l'adopté se divise par moitié entre sa famille d'origine et sa famille adoptive (sous réserve du droit de retour prévu à l'article 738-2 du Code civil au profit des pères et mères.)
Quelle imposition ? L'exercice du droit de retour légal des familles adoptives et par le sang au décès de l'adopté simple donne lieu à la perception de droits de mutation à titre gratuit selon les cas.
droit de retour conventionnel
À la différence du droit de retour légal dont l'application est automatique, le droit de retour conventionnel prévu à l'article 951 du Code civil se matérialise par une clause contenue dans un acte de donation. Le donateur ayant prévu ce type de clause va ainsi pouvoir récupérer le bien donné si le donataire décède avant lui. Il s'agit donc ici d'une condition résolutoire de la donation qu'est le prédécès du donataire et/ou de ses héritiers en fonction de la rédaction de ladite clause. Le prédécès du donateur et/ou ses héritiers, suivant la rédaction de la clause, est alors une condition résolutoire de la donation.
Autrement dit, le donateur reprendra le bien comme s'il en avait toujours été le propriétaire, la donation sera résolue de plein droit et ce, de manière rétroactive.
Ce type de droit de retour peut porter sur une partie ou sur la totalité du bien donné, sur l'usufruit ou la nue-propriété ou encore sur le bien acquis en lieu et place du bien donné. Il peut également s'exercer sur les biens acquis en remploi d'une somme donnée. Sa résistance à l'aliénation et sa capacité à récupérer les biens donnés dans les mains de tiers en font un outil particulièrement intéressant, même en présence des droits de retour légaux.
Il convient de préciser enfin que le donateur peut renoncer partiellement ou totalement à l'exercice du droit de retour qu'il a stipulé, du vivant du donataire, sans pour autant renoncer au droit de retour légal, toujours d'ordre public.
Droits à régler. L'exercice du droit de retour conventionnel n'est naturellement pas soumis aux droits de mutation. Le donateur peut éventuellement demander la restitution des droits réglés lors de la donation.
Me Pauline GROBOST Notaire à Bordeaux
* De cujus : personne dont la succession est ouverte.
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