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Le notaire et les successions - 4 Décembre 2025

Dons et donations : le jeu de construction patrimoniale des familles


Dons et donations : le jeu de construction patrimoniale des familles

Si les dons et donations procurent une grande satisfaction à leurs bénéficiaires, ils offrent aux donateurs de belles réductions sur les droits de succession. Autant de montages patrimoniaux qu'il convient d'envisager avec son notaire, comme l'explique Marlène Chalopin, notaire à Rennes.

À partir de quel âge ou quelle situation faut-il envisager une transmission patrimoniale ?

Marlène CHALOPIN : Il n'y a pas d'âge précis pour se pencher sur la transmission patrimoniale. En réalité, c'est davantage une question de moment de vie. On recommande de commencer à y réfléchir dès lors qu'un patrimoine commence à se constituer ou que certaines situations familiales apparaissent. Concrètement, autour de 40–50 ans, le patrimoine est souvent structuré (immobilier, épargne, parfois entreprise) et les enfants ont grandi. C'est une période idéale pour anticiper fiscalement, planifier des donations échelonnées grâce aux abattements renouvelables tous les 15 ans, ou encore organiser sa succession en fonction des besoins de la famille.
D'autres moments clés justifient aussi d'ouvrir cette réflexion : un mariage, un PACS, un divorce, une naissance, en particulier dans les familles recomposées, ou encore un décès. Tous ces événements modifient les équilibres familiaux et nécessitent parfois de revoir l'organisation patrimoniale.
D'autres situations constituent également un élément déclencheur : achat immobilier, création ou reprise d'entreprise, constitution d'un patrimoine financier significatif… Ce sont des étapes où il devient essentiel de réfléchir à la manière de protéger ses proches, à travers un testament, des assurances-vie ou un démembrement de propriété.
Enfin, la retraite offre un moment privilégié pour mettre de l'ordre, sécuriser la transmission au conjoint et anticiper les besoins futurs, notamment via un mandat de protection.

Quels bénéfices concrets peut espérer le donateur (et ses proches) ?

Marlène CHALOPIN : La transmission anticipée offre de vrais avantages, aussi bien pour le donateur que pour ses proches. D'abord, elle permet d'alléger très significativement la fiscalité future. Les abattements qui se renouvellent tous les 15 ans rendent possible une transmission progressive, souvent avec très peu, voire pas, de droits à payer. Cela contribue mécaniquement à réduire le poids de la succession au décès.
C'est aussi un moyen d'organiser et de sécuriser la répartition du patrimoine. Le donateur garde le contrôle, il choisit ce qu'il transmet, à qui, et sous quelle forme : donation simple, donation-partage, démembrement… Cela évite bien des tensions entre héritiers et permet une transmission harmonieuse.
L'autre bénéfice essentiel consiste à aider ses proches au moment où ils en ont réellement besoin pour financer des études, effectuer un premier achat immobilier ou accompagner l'installation professionnelle d'un enfant ou d'un petit-enfant. C'est un soutien concret, du vivant du donateur.
Transmettre n'empêche pas de préserver son confort de vie. Avec le démembrement, par exemple, on peut donner la nue-propriété tout en conservant l'usage du bien ou les revenus qu'il génère.
Enfin, c'est aussi un outil de protection personnelle et familiale. Certaines libéralités ou aménagements matrimoniaux renforcent la sécurité du conjoint et permettent d'anticiper les aléas de la vie.
Préparer sa transmission de manière anticipée, c'est gagner en sérénité : on sait où vont les choses, on sécurise l'avenir de sa famille et on évite à ses proches des démarches lourdes et parfois coûteuses après son décès.

Comment fonctionne la donation-partage, et pourquoi est-elle si souvent conseillée ?

Marlène CHALOPIN : La donation-partage se présente comme un mécanisme qui permet aux parents et parfois aux grands-parents de transmettre et de répartir une partie de leur patrimoine de leur vivant. Son intérêt majeur revient à combiner en un seul acte la donation, donc la transmission, et le partage, c'est-à-dire la répartition équilibrée entre les héritiers.
Concrètement, les donateurs choisissent les biens qu'ils souhaitent transmettre, cela peut être de l'argent, un bien immobilier, ou encore des parts de société. Chaque enfant reçoit un lot clairement identifié, et surtout, la valeur des biens est figée au jour de la donation. Cela évite d'avoir à rééquilibrer plus tard, au moment de la succession, même si certains biens prennent de la valeur avec le temps. On peut également aménager l'opération : conserver l'usufruit, réattribuer des lots ou inclure des enfants d'une précédente union, ce qui est très utile pour les familles recomposées.
Enfin, la donation-partage présente un intérêt fiscal non négligeable : elle permet de profiter des abattements renouvelables tous les 15 ans et de transmettre progressivement tout en réduisant l'impact fiscal de la succession. Pour toutes ces raisons, la donation-partage s'impose comme l'un des moyens les plus efficaces pour organiser une transmission harmonieuse.

" Le notaire aide à utiliser les abattements et exonérations  pour limiter les droits de mutation. " 

Dans quels cas peut-on bénéficier d'exonérations fiscales lors de dons en argent ?

Marlène CHALOPIN : Il existe plusieurs dispositifs permettant de réaliser des dons de somme d'argent tout en bénéficiant d'allègements fiscaux, souvent cumulables avec les abattements classiques.
Le plus connu concerne le don familial en espèces, parfois appelé "don Sarkozy". Il permet de transmettre jusqu'à 31 865 € à un enfant, petit-enfant, arrière-petit-enfant, ou à défaut à un neveu ou une nièce, sans payer de droits. Il doit s'agir d'un don d'argent, provenant d'un donateur de moins de 80 ans, à l'attention d'un bénéficiaire majeur ou émancipé. Cette exonération se renouvelle tous les 15 ans.
En complément, les dons en argent peuvent profiter des abattements de droit commun, également renouvelables tous les 15 ans : par exemple, 100 000 € par parent et par enfant, 31 865 € par grand-parent et petit-enfant, et des montants spécifiques pour oncles/tantes ou partenaires PACS. 
Ces abattements s'appliquent à tous les types de donation, y compris en numéraire.
Certains dons peuvent aussi bénéficier d'abattements spécifiques liés à l'achat immobilier, comme pour l'acquisition d'un logement neuf ou la rénovation énergétique : ces dispositifs permettent de réduire la fiscalité lors du financement apporté par les proches pour ces projets précis.
Il existe également des exonérations pour les dons à des associations ou organismes d'intérêt général : ceux-ci ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu — souvent 66 %, voire 75 % pour certains organismes d'aide aux personnes en difficulté.
Dans des cas plus spécifiques, les dons peuvent soutenir la création ou la reprise d'une entreprise, avec des avantages fiscaux particuliers permettant de réduire significativement les droits.
Enfin, certains dons ponctuels peuvent rester totalement exonérés lorsqu'ils constituent des présents d'usage, par exemple pour un anniversaire, un mariage ou une naissance, à condition que leur montant soit proportionné au revenu et au patrimoine du donateur. Ces présents n'entrent ni dans les abattements ni dans les déclarations fiscales, dès lors qu'ils ne sont pas excessifs.

Quel rôle joue le notaire pour construire une stratégie de transmission efficace et adaptée ?

Marlène CHALOPIN : Le notaire joue un rôle essentiel dans la préparation d'une transmission patrimoniale. Il ne se contente pas de rédiger les actes. 
Il accompagne, sécurise et optimise l'ensemble du processus.
Son intervention commence par une analyse complète de la situation : patrimoine immobilier, financier ou professionnel. S'ajoute la prise en compte du contexte familial :  mariage, PACS, divorce, famille recomposée. Selon les objectifs du client, protéger le conjoint, aider les enfants ou optimiser fiscalement la succession : le notaire construit une stratégie cohérente.
Ensuite, il préconise les outils les plus adaptés : donation simple, donation-partage, démembrement, aménagement du régime matrimonial, testaments, libéralités graduelles ou pacte Dutreil pour les entreprises. Il explique les avantages et limites de chaque solution afin que le client fasse des choix éclairés.
Le notaire optimise aussi la fiscalité de la transmission. Il aide à utiliser les abattements et exonérations, à réduire la taxation future et à structurer les donations ou démembrements pour limiter les droits de mutation.
Par ailleurs, il sécurise juridiquement les opérations, en garantissant la conformité des actes, leur opposabilité aux tiers et le respect des droits des héritiers, évitant ainsi tout risque de contestation.
Son rôle inclut également la neutralité et l'équilibre familial : en tant que tiers impartial, il facilite le dialogue, prévient les tensions et veille à l'équité entre héritiers, ce qui est essentiel pour préserver l'harmonie familiale.
Enfin, le notaire accompagne sur le long terme. Il tient compte des donations réalisées, ajuste la stratégie en fonction des évolutions légales ou familiales et met à jour les dispositions patrimoniales comme les testaments ou les régimes matrimoniaux.

Propos recueillis en novembre 2025

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