Concubins et résidence principale
Comment se protéger ?
De nos jours, 30 % environ des couples ne sont pas mariés mais peuvent faire le choix d'acquérir un bien immobilier pour constituer leur résidence principale et se retrouvent alors confrontés à la question : comment protéger l'autre ? Maître Sophie PIGUET, notaire à Bordeaux, nous donne les clés pour y parvenir dans les meilleurs conditions.
Achat par des concubins
Lors de l'achat.
Le concubinage ne correspond à aucun cadre juridique légal, et consiste seulement en une "union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes qui vivent en couple". Les concubins sont donc considérés d'un point de vue civil et fiscal comme des étrangers, que ce soit en matière d'impôt sur le revenu, ou en matière de donation ou succession. En conséquence, lors d'un achat immobilier, le couple se retrouve soumis au régime de l'indivision, au même titre qu'un achat qui serait fait par deux frères ou deux amis. Chaque concubin se portera acquéreur de la quote part indivise qui sera indiquée dans l'acte notarié. En cas de séparation, la solution simple et amiable passera par la revente et le partage du prix selon la part de chacun. À défaut d'entente, les concubins pourront toujours alors demander au juge un partage judiciaire.
Ce qui se passe en cas de décès.
- Si les concubins n'ont pas d'enfant. Le survivant n'est pas héritier. La part indivise du concubin décédé est transmise à ses héritiers qui sont le plus souvent les parents ou frères et sœurs. Le concubin survivant se retrouve alors en indivision avec les membres de la famille de son concubin décédé. Ce qui devient souvent une situation inconfortable et compliquée à gérer. Une solution pour pallier cet inconvénient serait de faire un testament léguant sa part dans la résidence principale, à l'autre concubin. Mais le coût fiscal de cette attribution est souvent rédhibitoire puisqu'à défaut de lien de parenté, la transmission serait taxée comme entre étrangers à 60 %, ce qui représente sur une part indivise d'un bien immobilier, un montant plus que dissuasif
- Si les concubins ont des enfants. La part du concubin décédé sera transmise à ses enfants qui seront ses héritiers. Le survivant se retrouve en indivision avec les héritiers du défunt. Le survivant découvrira alors les joies de l'indivision. Pour toute décision importante (location, vente, travaux), il faudra l'accord des autres indivisaires.La situation devient souvent très délicate. Si le concubin décède en ayant fait un testament au profit de l'autre, le coût fiscal de ce legs, toujours considéré comme fait entre étrangers, sera très lourd (et souvent dissuasif). Se posera également le problème de la quotité disponible. Le concubin défunt ayant des enfants, protégés par leur réserve, le legs fait par testament au profit de l'autre ne devra pas dépasser la quotité disponible, sous peine de réduction. Le concubin défunt ne pourra donc pas léguer la totalité de sa part du bien immobilier si c'est le seul actif de sa succession, puisqu'il faudra remplir les enfants de leurs réserves.
Achat par des partenaires pacsés
Lors de l'achat.
Les couples qui ne choisissent pas le mariage peuvent conclure un pacte civil de solidarité, qui consiste en " un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ". Le couple devra choisir entre deux régimes en fonction des projets de vie, et de la situation personnelle :
- La séparation : c'est le régime applicable automatiquement si rien n'est précisé dans le contrat de PACS. Chacun est propriétaire des biens qu'il acquiert durant le PACS. Les deux partenaires peuvent décider d'acheter un bien conjointement dans les proportions indivises d'achat précisées dans l'acte notarié.
- L'indivision : les partenaires peuvent choisir volontairement le régime de l'indivision. Tous les achats réalisés pendant le PACS, à deux ou séparément, sont réputés appartenir pour moitié à chaque partenaire. Peu importe que l'acquisition soit financée au moyen des revenus d'un seul. Il n'y a pas de recours possible entre eux au titre d'une contribution inégale, le régime de l'indivision pacsimoniale garantit à chaque partenaire une participation à l'enrichissement de l'autre.
Le PACS assure une certaine protection en accordant au partenaire, en cas de décès, un droit d'usage temporaire d'un an sur la résidence principale et le mobilier le garnissant. Mais une protection complète passera par un testament, stipulant un legs au profit de l'autre. En effet, d'un point de vue civil, la situation est la même que dans le concubinage. Le partenaire n'a pas la qualité d'héritier (seul le mariage rend le conjoint héritier).
Pour protéger l'autre, il faudra impérativement établir un testament. D'un point de vue fiscal, la situation est beaucoup plus favorable puisque si l'un des pacsés est désigné légataire par testament de son partenaire, il est exonéré des droits de mutation par décès au même titre que le conjoint. Compte tenu de ce régime fiscal, il sera beaucoup plus facile d'organiser la protection de l'autre dans le cadre du PACS. Par le biais d'un testament qui pourra prévoir, selon le choix du couple et le contexte, un legs soit d'une part en pleine propriété, soit d'un usufruit, voire d'un usufruit temporaire, ou d'un droit d'usage et d'habitation. Une limite demeure néanmoins quoi qu'il arrive.
- Si le défunt ne laisse pas d'enfant, il pourra être très généreux avec son partenaire, qui pourra être légataire universel de tous les biens successoraux, en franchise de droits de succession.
- Si le défunt laisse des enfants, le legs au profit du partenaire ne devra pas porter atteinte à la réserve héréditaire des enfants. Il pourra léguer uniquement l'usufruit de sa part du bien constituant la résidence principale, pour assurer à son partenaire le maintien dans la résidence principale, mais sans pour autant léser ses enfants, qui hériteront de la nue-propriété. En outre, lorsque les partenaires auront acquis ensemble la résidence principale, le partenaire pourra également, par le biais d'un testament, prévoir le droit à l'attribution préférentielle du logement.
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