Démembrement de propriété : l'immobilier allégé en frais !

Pour réduire les charges d'une maison, les droits de mutation, le prix d'acquisition… le démembrement de propriété s'adapte à bien des situations. En instaurant un statut d'usufruitier et de nu-propriétaire, il répond à des attentes complémentaires, comme en témoigne Christophe Souffleux, notaire à Rennes.
En termes simples, comment définissez-vous le démembrement de propriété ?
Le démembrement de propriété consiste à séparer la pleine propriété d'un bien en deux droits distincts :
- L'usufruit : le droit d'utiliser le bien et d'en percevoir les revenus (par exemple habiter une maison ou toucher les loyers si elle est louée).
- La nue-propriété : le fait d'être propriétaire d'un bien sans pouvoir en profiter tout de suite. Le nu-propriétaire détient le bien " en réserve " et récupérera automatiquement la pleine propriété lorsque l'usufruit prendra fin.
L'usufruitier profite de ses droits d'usufruit toute sa vie durant (on parle alors d'usufruit viager). Mais il est aussi possible de limiter l'usufruit à une durée fixée à l'avance.
Quelles situations de vie rendent ce mécanisme particulièrement pertinent ?
Le démembrement s'avère pertinent pour protéger un proche, préparer une succession à moindre coût. À titre d'illustration, dans le cadre d'une succession en présence d'un conjoint survivant et d'enfants, le conjoint survivant va pouvoir profiter de l'usufruit de la maison comprise dans la succession. Cela lui permettra de rester dans le bien toute sa vie durant, sans devoir de loyers aux autres héritiers. Le conjoint est ainsi protégé, et les enfants ont l'assurance de récupérer à terme la pleine propriété, sans impôt supplémentaire. La même protection peut être conférée par testament entre partenaires pacsés ou concubins. Le notaire aidera à le rédiger.
De son vivant, une personne peut aussi transmettre un bien immobilier tout en s'en réservant l'usufruit. C'est une stratégie intéressante pour anticiper une succession sans se dessaisir de ses biens immédiatement.
Cette donation est aussi attractive sur le plan fiscal car les droits à payer sont calculés sur la valeur de la seule nue-propriété. Ils sont donc réduits par rapport à une donation du même bien en pleine propriété. La valeur de l'usufruit est fixée par rapport à l'âge de l'usufruitier et son espérance de vie (tableau ci-dessous reprenant le barème fiscal fixé par la loi). Plus l'usufruitier est âgé, et plus son usufruit perd de la valeur et mécaniquement la nue-propriété prend de la valeur. Il est donc intéressant pour maximiser l'avantage de pouvoir donner assez tôt.
Quels sont les avantages concrets pour l'usufruitier et le nu-propriétaire ?
L'usufruitier a la sécurité de rester dans le bien et d'en conserver la jouissance. Il ne doit aucun loyer, aucune indemnité au nu-propriétaire au titre du bien qu'il occupe. Titulaire d'un droit réel de propriété, l'usufruitier ne peut être contraint par le nu-propriétaire de vendre le bien sans son consentement. Côté nu-propriétaire, le démembrement de propriété présente aussi de multiples avantages. Certes, il ne profite pas du bien objet du démembrement de propriété, mais il ne supporte aucune charge de jouissance. L'usufruitier assume seul les dépenses d'entretien du bien ainsi que la taxe foncière. Seules les grosses réparations - c'est-à-dire celles qui portent sur la structure et la solidité d'un bien immobilier - sont à la charge du nu-propriétaire et sauf convention contraire.
Le nu-propriétaire reçoit dans son patrimoine les biens concernés avec une décote de valeur. S'il reçoit la nue-propriété par donation, les droits sont réduits car calculés uniquement sur sa valeur de la nue-propriété.
Le démembrement peut-il être utilisé dans un projet d'acquisition immobilière ? Avec quels effets ?
Le démembrement de propriété est un bon outil juridique et fiscal pouvant être utilisé dans les projets d'acquisition immobilière, notamment pour optimiser la gestion, la transmission ou le financement.
On peut penser à des enfants qui vont aider leurs parents à acquérir un bien immobilier : les enfants réalisant l'acquisition de la nue-propriété et les parents l'acquisition de l'usufruit.
Les parents profiteront du logement toute leur vie durant. Au décès des parents, les enfants seront seuls propriétaires de la maison, sans aucune formalité. Ainsi les enfants ont fait l'économie de l'achat de l'usufruit payé par les parents. Certains programmes dans le neuf permettent à des investisseurs d'acquérir la seule nue-propriété d'un bien. L'usufruit est conservé pendant 15 ou 20 ans par un bailleur social qui va pouvoir donner en location le bien pendant toute cette durée. L'avantage pour le nu-propriétaire consiste à acquérir un bien à un prix décoté et de ne pas payer d'IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière) pendant toute la durée d'usufruit.
Il convient de prendre conseil auprès de son notaire afin de prévoir des clauses adaptées dans l'acte pour organiser cette acquisition.
Est-il possible de prévoir un démembrement temporaire ? À quelles conditions ?
Oui cela peut être parfaitement organisé ! Le démembrement temporaire est un outil souple, qui permet de transférer l'usage et les revenus d'un bien pendant une période définie, tout en gardant la maîtrise de la pleine propriété à terme. Par exemple, un parent donne à son enfant l'usufruit temporaire d'un logement étudiant pour 5 ans. L'enfant peut l'occuper ou le louer pendant ses études, puis le parent récupère l'usufruit.
Cet acte sera établi par le notaire qui prendra soin d'organiser les droits et obligations de l'usufruitier (charges, entretien, assurances, impôts locaux…) et le retour automatique de l'usufruit au donateur à l'échéance.
Propos recueillis le 24/09/2025
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