Un remède de cheval

En Europe, l'endettement public pèse un poids considérable une cure amaigrissante apparaît nécessaire. L'un des remèdes serait que les États deviennent, pour partie, copropriétaires des terrains supportant les immeubles acquis par les ménages. Avec deux conséquences immédiates : une bien meilleure solvabilité et la baisse du prix du marché immobilier.
Le problème de l'endettement public des pays européens n'a pour le moment pas trouvé de réelle solution. Le rapport avec le PIB (produit intérieur brut) pour l'ensemble des pays s'établit à 90 % alors qu'il ne dépassait pas 65 % dix années plus tôt. La Grèce et l'Italie (133 %) atteignent des sommets, la France (96 %) et l'Espagne sont proches de la moyenne, l'Allemagne (66 %) et la Finlande font figure de bons élèves même s'ils dépassent le seuil fixé par le traité de Maastricht.
La crise des dettes souveraines de 2010 - 2014 a mis en évidence la fragilité de nos pays lorsque les marchés viennent à douter de la solvabilité d'un seul Etat. Or, il faudra des années avant qu'un retour à l'équilibre budgétaire permette de diminuer cet endettement, d'autant que pour nombre de pays le redressement des finances publiques demeure très aléatoire. Afin de pallier ces effets particulièrement néfastes pour la solidité de la zone euro, les économistes de France-Stratégie (1) ont examiné trois schémas. L'un repose sur un engagement de solidarité entre pays en cas de conjoncture difficile, un autre sur la transformation par la Banque Centrale Européenne (BCE) de certaines dettes en obligations perpétuelles et le troisième, plus original, sur un revenu compensatoire de la valorisation des terrains sur le marché immobilier.
Pour une meilleure solvabilité
La notion de solvabilité est directement liée aux garanties que l'on peut donner aux prêteurs pour le remboursement des sommes reçues. Plus le patrimoine immobilier d'un individu est important et plus sa solvabilité est évidente et son risque de défaut limité. Dans le cas d'un pays, les actifs immobiliers sont pour l'essentiel détenus par les ménages et non par l'État. En France, leur valorisation avoisine les 10 000 milliards d'euros, soit près de 5 fois le PIB. Ce patrimoine a doublé depuis les années 90 pendant que la dette publique s'alourdissait d'autant. Or, le boom des prix de l'immobilier qu'ont connu plusieurs pays européens repose moins sur le prix des murs que sur celui du terrain. Sa valorisation dépend de l'endroit où il est situé et, en particulier, de la nature des services et infrastructures publiques (école, hôpitaux,…) se trouvant à proximité. Cette localisation plus ou moins avantageuse pourrait être compensé par une prise d'intérêt plus ou moins conséquente de la part de l'État.
L'Etat propriétaire
Il serait ainsi décrété "que l'État devient propriétaire de tous les terrains construits résidentiels, à hauteur d'une fraction fixée de leur valeur, et que ce nouveau droit de propriété est désormais incessible". En tant que propriétaire, il fixerait un loyer lié au prix du terrain, correspondant sensiblement à la consommation par l'habitant des services dont il bénéficie grâce au positionnement de son immeuble. "Tout propriétaire, désormais redevable de cette somme, pourrait choisir de ne pas la payer… L'État récupèrerait alors la somme due lors de la première transaction qui interviendrait sur le bien immobilier, lors de la vente ou de la transmission à un héritier". La conséquence en serait, parallèlement, une baisse du prix du marché immobilier d'une fraction au moins équivalente à cette participation au capital immobilier. Les initiateurs de ce projet ont calculé que la mise en place de cette mesure à hauteur d'un quart de la valeur des terrains résidentiels permettrait par exemple à l'Italie de diminuer sa dette publique instantanément de 40 points de PIB.
De quoi adoucir la pilule
Cette solution, jugée quelque peu polémique par ses auteurs, ne manque cependant pas de bon sens. Les propriétaires du cœur de Bordeaux, par exemple, qui ont vu cette année la valeur de leur bien augmentée spontanément de près de 20 % grâce à l'arrivée de la LGV, bénéficient d'un enrichissement dû à une répartition favorable des impôts payés par tous. Parallèlement, les habitants des villes où le prix de la construction avoisine où dépasse celui des immeubles, même compte tenu de leur vétusté, se verraient naturellement exempts de cette augmentation de leurs charges, le prix de leur terrain étant proche de zéro. En outre, l'impôt foncier et la taxe sur les plus-values seraient diminués de la part imputable à ce nouveau copropriétaire du terrain qu'est l'État. Ce qui devrait adoucir quelque peu l'amertume de la pilule pour les redevables de cette nouvelle imposition.
(1) France Stratégie, organe de réflexion rattaché au gouvernement, a publié cette note le 11 octobre 2017 sous le titre : "Comment assurer la résorption des dettes publiques de la zone euro ?".
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