Vendre un logement loué
Les notaires rencontrent souvent des propriétaires désireux de vendre un bien à usage d'habitation, utilisé comme un bien d'investissement locatif. Ils sont souvent préoccupés par les conséquences de la présence d'un locataire dans ledit bien lors de la mise en vente. Fanny Castagnet, notaire à Bordeaux, fait le point sur la procédure à suivre et les enjeux d'une telle vente.
Dans le cas de la vente d'un logement loué, la volonté du vendeur est déterminante. Ce dernier souhaite-t-il vendre son bien rapidement ou cette intention de vendre peut-elle être facilement reportée ? En effet, la date d'expiration du bail peut influer de manière considérable sur la possibilité de vendre le bien libre ou loué et, si sa volonté est de vendre son bien libre, le vendeur peut se voir alors obligé de reporter son projet à une date plus lointaine.
La volonté de vente du logement loué, libre de toute occupation
Conformément à l'article 537 du Code civil, les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent. Cependant, ce principe peut être quelque peu atténué dans le cas où le propriétaire d'un bien immobilier loué souhaiterait vendre son bien libre de toute occupation. En effet, il faut rappeler que, dans une telle hypothèse, le bailleur vendeur doit obligatoirement se soumettre aux dispositions de l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Pour être valable, selon lesdites dispositions, le congé par le bailleur ne peut être réalisé que pour reprendre ou vendre le bien ou pour motif légitime et sérieux. En l'espèce, seule l'éventualité de la vente du bien nous intéresse.
Ainsi, dans le cas d'une vente du logement libre de toute occupation, le bailleur doit donner congé à son locataire six mois avant l'expiration du bail en cours. Il doit être donné au locataire par lettre recommandée avec accusé de réception, exploit d'huissier ou remise en mains propres. À peine de nullité, le congé doit mentionner le prix et les conditions de la vente projetée. Le locataire en place bénéficie alors d'un délai de deux mois durant lequel il peut se porter acquéreur du bien, par préférence sur tout acquéreur qu'aurait choisi initialement le vendeur-bailleur. Si le locataire accepte, il se positionne alors en priorité sur la vente et l'acte authentique constatant le transfert de propriété à son profit doit être régularisé dans les trois mois de l'exercice de son droit de préemption. Ce délai est prolongé d'un mois si ledit locataire a recours à un prêt. Il faut préciser que ce droit de préemption est personnel au locataire et qu'aucune substitution ne peut être envisagée lors de l'exercice de son droit.
À défaut de réponse du locataire dans les deux mois du congé reçu ou de refus exprès de sa part dans ledit délai imparti, le locataire se verra déchu de son titre de location, le bail prenant fin à son terme.
- La date de fin du bail est déterminante afin de pouvoir vendre son logement libre de toute occupation. À ce titre, il est important que le bailleur soit informé que, si le congé délivré par ses soins est effectué avant le délai de six mois susvisé, le délai de préemption ouvert au locataire ne débutera pour autant qu'à compter du sixième mois précédant l'expiration du bail. A contrario, si le congé n'est pas délivré à temps par le bailleur, il est considéré comme nul et le bail, ne prenant finalement pas fin à son expiration, se renouvellera automatiquement et tacitement. Attention : à compter de l'envoi d'un congé à son locataire, le bien devient temporairement inaliénable. Le droit de préemption du locataire étant prioritaire. Dans le cas d'une purge du droit du locataire trop anticipée par le bailleur, le locataire ne peut y renoncer par avance. Aussi, si le bailleur envisage la signature d'une vente avec un tiers alors que la date de point de départ du droit de préemption n'est pas encore atteinte, le bailleur reste malgré tout définitivement lié par son offre de vente. De cette manière, le tiers acquéreur court le risque que le locataire préempte le bien à l'ouverture de son droit de préemption, et de voir par conséquent son acquisition annulée.
- De même, la qualité du bailleur influera sur le délai du contrat de bail. En effet, si le bien a été initialement acquis par une personne physique ou une société de famille, le contrat de bail aura une durée de 3 ans. Si le bien a été acquis par le biais d'une personne morale, sans liens familiaux entre ses associés, la durée du bail sera obligatoirement portée à six ans, conséquence non négligeable sur le point de départ de la délivrance d'un éventuel congé par le bailleur.
La vente d'un logement loué, occupé
Contrairement à une idée reçue, la présence d'un locataire n'empêche pas la vente d'un bien à un tiers. À l'issue de la vente, le bail, dans ses conditions initiales, continuera pour le locataire en place et l'acquéreur deviendra bailleur en lieu et place du vendeur, mais également détenteur du dépôt de garantie versé par le locataire lors de la conclusion de son bail. Dans cette hypothèse, le locataire ne dispose alors d'aucun droit de préemption et se verra seulement notifier l'identité de son nouveau bailleur une fois l'acte de vente régularisé. Cependant, malgré cette "liberté" de choix de l'acquéreur du bien, la vente n'est pas sans conséquence pour l'acquéreur et sur le bail en cours, la durée de celui-ci pouvant s'en trouver allongée.
- La qualité de l'acquéreur peut influer sur la durée du bail. En effet, si le vendeur était une personne physique ou une société de famille, rappelons que la durée du bail d'habitation est alors de trois ans. Cependant, si l'acquéreur est une personne morale, sans que celle-ci ne puisse être qualifiée de société de famille, l'article 10 de la loi de 1989 susvisée prévoit que le bail sera alors reconduit automatiquement pour une durée de six ans, et ce, bien que le bail initial ait été consenti pour une durée de trois ans.
- La durée du bail peut être impactée si le nouveau bailleur souhaite lui-même donner congé à son locataire. Pour cela, il faut différencier le type de congé envisagé par le nouveau propriétaire du bien :
- Si le nouveau propriétaire souhaite délivrer un congé pour reprise, c'est à dire afin que lui-même, son conjoint, partenaire pacsé, concubin notoire, ascendant et/ou descendant habitent dans le bien, il faut distinguer si la date d'expiration du bail est à plus ou moins deux ans au jour de la régularisation de son acquisition. Si le bail en cours se termine dans un délai supérieur à deux ans à compter de la signature de son titre de propriété, la durée du bail est inchangée et le nouveau bailleur pourra donner congé pour habiter le bien acquis, dans les conditions prévues à l'article 15 I de la loi du 6 juillet 1989 susvisée.
Si le bail expire dans un délai inférieur à deux ans, sa nouvelle expiration sera à l'issue d'une période de deux ans à compter de la signature de l'acte. Aussi, dans cette hypothèse, le congé pour reprise ne pourra être donné par le nouveau bailleur que six mois avant cette expiration nouvellement déterminée, selon les formalités prévues aux termes dudit article 15 I.
Ainsi, l'acquisition d'un bien occupé n'est pas sans conséquence pour les éventuels projets de l'acquéreur et ces questions de report d'expiration de bail doivent être bien réfléchies par ce dernier lors de toute acquisition d'un bien loué.
Que pensez-vous de cet article ?