Bail commercial
Quelles règles s'appliquent depuis la réforme de la loi Pinel ?

La loi Pinel du 18 juin 2015, modifiée par la loi Macron du 6 août 2015, a imposé aux bailleurs de locaux commerciaux de respecter un certain nombre de dispositions.
Les clauses intégrées dans le bail commercial contraires à cette loi seront réputées non écrites, en conséquence elles sont considérées comme n'ayant jamais existé. Cette réforme du législateur est menée par une volonté de rééquilibrer les relations contractuelles entre bailleurs et preneurs en protégeant ces derniers. Là où la place de la liberté contractuelle prédominait auparavant, ce qui semblait être justifié dans certains cas, mais qui dans d'autres était abusif. Nous allons nous concentrer, sous un format de questions réponses, sur les dispositions essentielles du statut des baux commerciaux édictées par la loi Pinel, elle-même modifiée par la loi Macron, qui s'imposent lors de la rédaction du bail commercial, durant sa vie et jusqu'à sa fin. Cette liste de questions réponses n'est pas exhaustive, le bail commercial suscitant une multitude de questions.
Peut-on conclure un bail commercial dit
La réponse est négative, l'article L.145-4 du Code de commerce impose une durée de neuf ans au bail commercial, en octroyant au preneur une faculté de donner congé à son bailleur, à l'expiration de chaque période triennale, sans possibilité d'y déroger conventionnellement. Toute clause contraire insérée dans le bail est réputée non écrite.
Dans la même logique, il n'est plus possible de prévoir une indemnité de résiliation anticipée due par le preneur, en cas de résiliation triennale. Il est ici rappelé que le congé doit être donné six mois à l'avance à l'expiration d'une période triennale, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception soit par exploit d'huissier. On ne saurait que recommander le recours à l'acte extrajudiciaire pour éviter tout impair dans la délivrance du congé, notamment concernant son destinataire, son adresse et sa date.
Les seules exceptions à ce principe concernent les baux suivants :
- Les baux d'une durée supérieure à neuf ans. Ce sont les baux d'une durée de 10 ans ou plus et non pas les baux de neuf ans en cours de renouvellement ou reconduits par tacite prolongation ;
- Les baux des locaux construits en vue d'une seule utilisation définis par l'article R.145-10 du Code de Commerce ;
- Les baux des locaux à usage exclusif de bureaux visés à l'article R.145-11 du Code de commerce ;
- Les baux des locaux de stockage.
Qu'advient-il du bail commercial en cas de décès du preneur ou lorsqu'il fait valoir ses droits à retraite ?
La loi octroie le droit au preneur faisant valoir ses droits à la retraite de résilier à tout moment le bail commercial en donnant congé au bailleur six mois à l'avance, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception soit par exploit d'huissier.
Cette faculté est prévue également pour le preneur bénéficiant d'une pension d'invalidité. La loi Pinel a permis aux héritiers du preneur décédé de résilier le bail commercial à tout moment en donnant congé au bailleur six mois à l'avance, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception soit par exploit d'huissier. Cela s'applique aux successions ouvertes à compter du 20 juin 2014, la date du décès étant l'élément déterminant.
L'état des lieux est-il obligatoire pour la conclusion du bail ?
Lors de la prise de possession des lieux, un état des lieux doit impérativement être dressé entre le bailleur et le preneur ou par une tierce personne mandatée par eux. Ce document sera annexé au bail commercial ou, à défaut, il sera remis à chacune des parties.
À défaut d'accord amiable entre le bailleur et le preneur, la partie la plus diligente devra mandater un huissier de justice afin qu'il dresse un état des lieux.
Les frais seront alors supportés à concurrence de moitié par le bailleur et le preneur. L'absence d'état des lieux d'entrée est lourde de conséquences pour le bailleur ; en effet, il ne sera pas présumé avoir remis au preneur des locaux en bon état d'usage, à charge pour le preneur de les restituer tels quels, sauf preuve contraire, conformément à l'article 1731 du Code civil. Parallèlement, un état des lieux devra être dressé lorsque le preneur quitte les lieux.
Comment peuvent être répartis les travaux, les charges, les impôts et taxes dans le bail commercial ?
Les clauses relatives à la répartition des charges, des travaux et des impôts entre bailleur et preneur sont à soigner particulièrement par le rédacteur de l'acte, puisqu'elles sont source de conflit durant toute la vie du bail commercial.
Le législateur est venu encadrer les dispositions contractuelles dans ce domaine :
- Le bail commercial doit inventorier de manière précise et limitative les catégories de charges, travaux, impôts, taxes et redevances réparties entre lui et le preneur.
- Chaque année, le bailleur devra dresser et transmettre au preneur un état récapitulatif des charges, travaux, taxes et impôts répartis entre le bailleur et le preneur. Cet état devra être communiqué le 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle il est établi.
- Le bail commercial doit indiquer les charges, travaux et taxes qui ne peuvent plus être refacturés au preneur et qui sont visés à l'article R.145-35 du Code de commerce.
- Lors de la conclusion du bail commercial, puis tous les trois ans, le bailleur doit communiquer au preneur un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, avec un budget prévisionnel et un état récapitulatif des travaux effectués les trois années qui précèdent le bail, en indiquant leur coût.
Concernant les charges et le coût des travaux, ils doivent être répartis en fonction de la surface exploitée qu'il est nécessaire de définir dans l'acte de bail.
Quels sont les modes de délivrance des congés dans le cadre d'un bail commercial ?
La délivrance du congé par exploit d'huissier demeure à ce jour le principe. Suite à la promulgation de la loi Macron, il n'existe que deux cas dans lesquels le congé pourra être délivré, soit par exploit d'huissier soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception :
- Congé du preneur à l'expiration d'une période triennale.
- Congé du preneur pour faire valoir ses droits à la retraite ou bénéficiant d'une pension invalidité ou congé des héritiers en cas de décès du preneur.
La loi a encadré l'augmentation des loyers commerciaux. Tout d'abord, les indices de référence pour la révision des loyers sont l'indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC) et l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires (ILAT) suivant l'activité exercée dans les locaux objet du bail. L'indice du coût de la construction, comme référence, a été écarté par la loi. La loi a également imposé que toute révision de loyer prend effet à la date de la demande en révision par le bailleur, ainsi aucun arriéré de loyer ne peut être demandé par le bailleur pour la période antérieure à sa demande. La loi est venue encadrer les déplafonnements des loyers, lors du renouvellement du bail, au cours de la révision triennale et dans le cadre d'une révision du loyer par l'effet d'une clause d'échelle mobile. Dans ces deux derniers cas, les règles sont d'ordre public. En effet, la variation du loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente. En résumé, par un système de lissage, la loi prévoit une augmentation de loyer par paliers de 10 %.
Le statut des baux commerciaux devenant de plus en plus complexe au regard des nouvelles règles de la loi Pinel et de la loi Macron, dont l'applicabilité de certaines reste obscure, nous ne pouvons que conseiller au bailleur, mais également au preneur d'avoir recours à un professionnel juridique averti lors de la conclusion du bail commercial. Il se chargera d'orienter, d'expliquer et d'appliquer la loi. La manœuvre sera délicate pour ce dernier qui devra, tout en appliquant la loi, prendre en considération le jeu de la négociation entre les parties qui est l'essence même des relations commerciales.
Rappelons qu'en plus de bénéficier du conseil du notaire et de son expertise, les actes dressés par ce dernier bénéficient d'une force exécutoire qui n'est pas négligeable en droit commercial.
Me Julie BAUDET
Notaire à Pessac (33)
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