Céder son entreprise : une opération très encadrée

La cession (au sens de vente) d'une société est une opération complexe qui implique le concours de plusieurs professionnels, comme l'expert-comptable et le notaire. Maître Judeau nous en présente les principaux aspects juridiques.
Comment préparer la cession ?
Me Judeau : Cette opération implique notamment des vérifications pouvant s’étaler sur plusieurs semaines. Avant de s’engager de manière définitive, le repreneur diligentera des audits qui lui permettront de vérifier « la qualité » de la société qu’il achète. Ces audits seront juridiques (examen des statuts et des pactes extrastatutaires, du secrétariat juridique…), comptables (la comptabilité est-elle l’image fidèle de la situation de la société ?), environnementaux (diagnostics des immeubles inscrits au bilan de la société), techniques et sociaux… La cession implique également la purge de certains droits de préemption. À peine de nullité, sauf exception, la cession de la majorité des parts d’une SCI possédant une seule unité foncière située dans le champ du droit de préemption urbain devra être précédée de l’envoi d’une déclaration d’intention d’aliéner en mairie. Par ailleurs, depuis le 1er janvier, les SAFER ont la possibilité d’exercer leur droit de préemption en cas de cession de la totalité ou d’une partie des titres d’une société exploitante agricole ou propriétaire foncier.
Comment va se conclure la cession ?
Me Judeau : En théorie, l’acte de cession ne s’impose que pour la cession de parts sociales. Les formalités à accomplir pour rendre la cession opposable aux tiers sont régies par l’article 1690 du Code civil. La cession ne sera opposable aux tiers qu’après le dépôt au greffe du tribunal de commerce d’une copie des statuts mis à jour et d’une copie de l’acte de cession. Pour les actions, un simple ordre de virement du cédant et la mise à jour du registre des actionnaires suffit. L’acte de cession comprendra également la désignation des parties et des titres cédés, la détermination du prix, les déclarations du vendeur et une garantie conventionnelle de passif ou d’actif net. Si un passif venait à se révéler après la cession, le cessionnaire aura un recours en garantie contre le cédant.
Le régime matrimonial du cédant peut-il gêner la vente ?
Me Judeau : Si la vente porte sur des parts sociales communes entre les époux, l’associé devra solliciter l’accord de son conjoint pour les vendre. Si l’acheteur est marié sans contrat ou sous régime communautaire, l’achat de parts à l’aide de deniers communs impliquera l’information préalable de son conjoint qui serait en droit de revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts acquises.
Que se passe-t-il une fois que la cession est conclue ?
Me Judeau : L’exécution « normale » passera par le départ du cédant de la société et de ses dirigeants. Le cas échéant, les modalités du départ dépendront de leurs statuts (démission des mandats sociaux, licenciement pour les titulaires d’un contrat de travail). Il conviendra d’organiser l’accession du cessionnaire au pouvoir (nomination de nouveaux dirigeants). Ces changements de dirigeants impliquent l’établissement de procès-verbaux et d’une publicité légale. L’exécution « pathologique » de la cession de fonds de commerce entraînera la mise en œuvre des garanties de passif ou d’actif net. Ces clauses de garanties ne seront efficaces que si le cédant a consenti des sûretés au profit du cessionnaire (séquestre d’une partie du prix, cautionnement bancaire, hypothèque sur un actif immobilier…). Si un litige oppose cédant et cessionnaire, le tribunal sera alors amené à départager les parties. Pour éviter une procédure longue et coûteuse devant les tribunaux, les parties pourraient recourir à l’arbitrage ou à la médiation. Ces procédures alternatives de résolution des conflits sont à envisager dans l’acte de cession.
Propos recueillis le 06/07/2016
Info utile
À compter du 01/10/2016, la cession de parts relèvera des articles 1321 et 1326 du Code civil.
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