Acquisition immobilière : pourquoi constituer un usufruit successif ?
Utilisé dans le cadre du démembrement de propriété, l'usufruit donne le droit de jouir d'un bien sans en être propriétaire. Il peut profiter à un ou plusieurs bénéficiaires à condition d'organiser sa succession dans le temps…Explications de Me Céline CASANAVE-CHEVRIER, notaire à Arcachon.
Qu'est-ce que l'usufruit ?
L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à charge pour lui d'en conserver la substance. Le nu-propriétaire, quant à lui, doit s'abstenir de nuire aux droits de l'usufruitier de quelque manière que ce soit. Les dispositions de l'article 617 du Code Civil énoncent que l'usufruit est un droit temporaire, qui s'éteint, notamment, au plus tard au jour du décès de l'usufruitier. Il peut donc être un droit temporaire ou un droit viager. Il s'agit d'un outil juridique et fiscal adapté à chaque cas d'espèce dans la mesure où la répartition des pouvoirs entre l'usufruitier et le nu-propriétaire ne relève pas d'ordre public.
Quelle différence pour l'usufruit successif ?
Utilisé à tort la plupart du temps, le terme "réversion d'usufruit" correspond à un droit qui s'éteint nécessairement par le décès. Par conséquent, il ne peut être "reversé " à un tiers lors du décès de son titulaire. Il s'agit en fait de la succession de plusieurs usufruits dans le temps. Aussi, l'usufruit successif est appelé à s'ouvrir au décès du premier usufruitier si et seulement si le second usufruitier lui survit. C'est la volonté des parties qui prime. Seul le plein propriétaire ou le nu-propriétaire peut constituer un usufruit successif.
Constitution de l'usufruit successif
Le propriétaire d'un immeuble peut céder sa nue-propriété en décidant d'en conserver l'usufruit sa vie durant. En outre, il donne sur le même immeuble un second usufruit. Ce dernier ne commençant qu'à la date où le premier usufruit prend fin. Il peut également être constitué par le nu-propriétaire qui recouvre la pleine propriété au décès de l'usufruitier. Celui-ci ne peut en aucun cas constituer lui-même un nouvel usufruit car il n'a pas vocation à devenir plein propriétaire. L'acquisition en démembrement de propriété constitue un outil de transmission patrimoniale. Dans ce cas, les parents acquièrent l'usufruit du bien et les enfants la nue-propriété. Le vendeur constitue alors deux usufruits successifs bénéficiant à chacun des époux afin que le second usufruit s'ouvre au profit du conjoint survivant lors du premier décès. Les enfants nus-propriétaires deviennent pleins propriétaires automatiquement au décès du survivant des époux. Cela assure aux parents la jouissance totale du bien jusqu'au dernier des décès. En conséquence, ce droit devra faire l'objet d'une publication auprès du service de la publicité foncière afin que l'acte de disposition soit inscrit au fichier immobilier.
Lors du décès du premier usufruitier, il ne sera pas nécessaire d'exiger la publication d'une attestation notariée constatant l'effectivité de l'usufruit en second, qui sera transmis automatiquement à son titulaire.
Quels effets pour l'usufruit successif ?
Les usufruitiers de premier rang et second rang n'exercent pas de pouvoirs concurrents sur le bien puisqu'ils se succèdent, le décès de l'un ouvrant le droit d'usufruit de l'autre. Le second usufruit qui a été constitué est définitivement acquis à son bénéficiaire dès le jour de l'acte de vente, seul son exercice se trouve différé. L'usufruitier en premier rang ne doit donc pas modifier la substance du bien. Mais quelle est la garantie pour l'usufruitier en second de retrouver un bien sans aucune dégradation le rendant impropre à sa destination ? En cas d'atteinte à l'intégrité de l'immeuble et en application de son droit de surveillance, on peut admettre que l'usufruitier en second puisse demander toute sanction de l'usufruitier en premier, pouvant aller jusqu'à la déchéance.
Quelle fiscalité pour l'usufruit successif ?
L'administration fiscale ne s'est pas encore prononcée sur la constitution d'un usufruit successif à titre onéreux, mais il semble que les droits de mutation doivent nécessairement être acquittés. La valeur de l'usufruit peut être déterminée en application du barème fiscal prévu à l'article 669 du Code général des impôts. Il peut aussi, en fonction de la volonté des parties à l'acte, être défini selon une évaluation économique. Il semble qu'il y ait lieu de transposer les règles visant toutes transactions portant sur des droits démembrés et d'asseoir les droits sur la valeur de l'usufruit successif déterminée.
En effet, s'il s'agit d'un bien commun aux époux, ils font expressément réserve à leur profit et également au survivant d'entre eux de l'usufruit. Cela sans réduction possible lors du premier décès. Ainsi, chacun d'eux constitue au profit de l'autre, qui accepte, un usufruit successif qui s'exerce au décès du premier d'entre eux.
La détermination de l'assiette de la taxe de publicité foncière se fait en fonction de l'âge de l'époux dont l'usufruit a la plus forte valeur, soit en prenant en compte l'âge du plus jeune d'entre eux. Conformément aux dispositions de l'article 758-6 du Code civil, cette réversion d'usufruit s'impute sur ses droits dans la succession.
Déroulement de la vente d'un bien grevé par un usufruit second
La vente d'un bien grevé d'usufruit, sans l'accord de l'usufruitier, ne modifie pas le droit de ce dernier. Il continue à jouir de son usufruit s'il n'y a pas expressément renoncé. Si l'acte de disposition intervient sans la renonciation par l'usufruitier second à son droit, ce dernier peut être opposé à l'acquéreur.
Dans le cas où le nu-propriétaire voudrait aliéner son bien en pleine propriété, il faudrait faire intervenir à l'acte les usufruitiers successifs afin qu'ils renoncent individuellement à leur propre droit d'usufruit. Nul ne peut transmettre à autrui plus de droit qu'il n'en a lui-même.
Le propriétaire d'un bien grevé d'une charge, telle qu'un usufruit, ne peut le transmettre non grevé de cette charge. L'usufruit étant un droit réel, il confère alors à ce dernier un droit de suite : l'usufruitier a le pouvoir d'exercer son droit en quelque main qu'il passe. L'usufruitier, quant à lui, peut transmettre son droit à titre gratuit ou à titre onéreux mais le tiers acquerra l'usufruit avec le rang qui est le sien.
Quelle extinction pour l'usufruit successif ?
S'agissant d'un droit actuel dont les effets sont reportés, l'usufruit successif peut s'éteindre dans les différents cas prévus par la loi, savoir :
- par le décès de l'usufruitier ;
- par l'expiration du temps pour lequel il a été accordé (s'il s'agit d'un usufruit successif temporaire) ;
- par la consolidation ;
- par le non-usage trentenaire ;
- par la perte totale du bien sur lequel il porte ;
- ou enfin par la renonciation de son titulaire.
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