La clause de garantie solidaire au sein du bail commercial

Vous êtes commerçant et envisagez de céder ou d'acquérir un droit au bail commercial ou un fonds de commerce incluant celui-ci ? Peut-être encore êtes-vous propriétaire et souhaitez procéder à la rédaction d'un nouveau bail commercial avec votre locataire ? Dans toutes ces hypothèses, la clause de solidarité pourrait bien se révéler comme l'un des points névralgiques de vos relations à venir.
La clause de solidarité, qu'est-ce que c'est ?
Dans certains contrats, un paragraphe lui est dédié. Dans d'autres cas, elle sera intégrée à la clause relative à la cession du bail commercial, en une simple phrase selon laquelle le cédant sera tenu au paiement des loyers avec le cessionnaire.
Concrètement, cela signifie que si le nouveau locataire ne règle pas ses loyers, le propriétaire pourrait se retourner contre l'ancien locataire pour en obtenir le paiement. Attention, selon sa rédaction, la solidarité peut porter sur l'ensemble des charges du bail commercial, et non sur le seul paiement des loyers. Ainsi, il est possible de prévoir plus globalement que cédant et cessionnaire resteront tenus solidairement de toutes les sommes que pourrait devoir ce dernier au bailleur (notamment les réparations locatives). Toutefois, cette solidarité n'est pas automatique car, pour exister, elle doit être prévue contractuellement au contrat de bail.
Pour quelle raison le bailleur bénéficie-t-il de cette garantie ?
Il s'agit clairement d'une clause à la faveur exclusive du bailleur qui bénéficie ainsi d'une garantie contre le risque d'impayés. Celle-ci s'explique par le fait que, lors d'une cession de droit au bail commercial, et contrairement à un bail d'habitation notamment, le bailleur ne choisit pas son nouveau locataire.
En tout état de cause, la clause de garantie solidaire met en opposition les intérêts d'un bailleur qui veut assurer le règlement de ses loyers et ceux de son ancien locataire, contraint de garantir la situation financière de son repreneur, situation qu'il ne contrôle pas.
Quelle est sa durée ?
L'élément déclencheur de la clause de solidarité a toujours été la cession du droit au bail. D'importants changements sont toutefois intervenus depuis l'entrée en vigueur de la loi Pinel le 20 juin 2014, relativement à sa durée. Avant cette date, la clause de solidarité n'était pas limitée et pouvait se prolonger toute la durée du bail. Ainsi, sur un bail de neuf ans, le cédant qui revendait son droit au bail au bout de trois ans d'activité se voyait contraint à une solidarité minimale de six ans avec son cessionnaire (sauf cas de congé ou de résiliation). L'article L145-16-2 du Code de commerce, issu de la loi Pinel, est venu limiter cette durée. Il dispose ainsi que " si la cession du bail commercial s'accompagne d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci ne peut l'invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail ".
Mon cessionnaire revend dans les 3 ans, serai-je solidaire de son cessionnaire ?
La réponse différera selon la rédaction de la clause de solidarité. Elle peut en effet prévoir que le cédant restera garant de son cessionnaire mais aussi des autres cessionnaires.
Je suis bailleur et souhaite actionner la clause de solidarité, que dois-je faire ?
Là encore, la loi Pinel est intervenue en imposant au bailleur d'informer le cédant de tout défaut de paiement de la part du cessionnaire dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci. Cette disposition réduit considérablement la fenêtre de tir du bailleur. Il est important de privilégier un mode de communication qui vous permettra de conserver une preuve de cet envoi.
Comment savoir si mon bail commercial est concerné par la loi Pinel ?
Tout dépend de la date de signature de votre bail :
- pour les actes dont la signature est intervenue après le 20 juin 2014, la réforme leur est applicable. La solution sera identique en cas de renouvellement ;
- a contrario, l'ancienne législation continue à s'appliquer pour les baux commerciaux régularisés antérieurement à cette date, qu'ils soient en cours ou en tacite prolongation.
La clause de solidarité me garantit-elle toujours le paiement des loyers en cas de procédure collective du locataire ?
Dans ce cas précis, la réponse est non car la clause de garantie solidaire est réputée non écrite lorsque la cession du droit au bail intervient durant la période d'observation d'une procédure de sauvegarde ou d'un redressement judiciaire ou durant une liquidation judiciaire. Ce n'est qu'une fois la procédure terminée que le bailleur pourra de nouveau l'invoquer à l'occasion d'une nouvelle cession.
La clause de solidarité inversée, qu'est-ce que c'est ?
On l'a vu, la clause de solidarité permet de mettre en jeu le cédant suite à une défaillance du cessionnaire. La clause de solidarité dite inversée, quant à elle, permet de mettre en jeu le cessionnaire suite à une défaillance du cédant. Le cessionnaire est alors tenu des loyers non acquittés par le cédant.
Or, la loi Pacte est venue limiter l'impact de cette clause. L'article L. 642-7 alinéa 3 du Code de commerce, dans sa nouvelle rédaction, dispose ainsi que "Par dérogation, toute clause imposant au cessionnaire d'un bail des dispositions solidaires avec le cédant est réputée non écrite". Cette mise hors-jeu de la clause de solidarité inversée n'est toutefois que relative pour deux raisons :
- la première tient à la date d'applicabilité de la loi Pacte : seules les procédures collectives ouvertes à compter du 24 mai 2019 pourront bénéficier de cet article.
- la seconde tient au champ d'application de cet article : les cessions en période d'observation ou durant un plan de sauvegarde ou de redressement, et les cessions d'actifs isolés en liquidation judiciaire ne bénéficient pas de cet article.
Vous l'aurez compris, la complexité de la clause de solidarité invite les parties à une rédaction scrupuleuse du bail commercial, mais aussi de l'acte de cession. Car si les cartes sont distribuées lors de la conclusion du bail, elles peuvent encore être jouées lors de cette cession, d'une part en avisant clairement des incidences de la clause, mais aussi en négociant au mieux son application.
Maître Amélie AUDIGER
Notaire à Bordeaux (33)
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