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L'édito du mois - 14 Avril 2020

Quand on compte !


Quand on compte !

"Quand on compte ses morts, on ne compte pas ses milliards" s'est exclamé Bruno Le Maire notre ministre des finances. Très belle expression qui met aussi en lumière le désarroi budgétaire dans lequel vont être plongés tous les pays depuis l'apparition du coronavirus. Car, il faudra bien un jour payer la facture de ces milliards qui pleuvent sur nos têtes.

Des mesures fort coûteuses

Un bon tiers de l'humanité, est amenée à demeurer confiné tant que l'épidémie ne sera pas maîtrisée. Afin d'éviter que leurs entreprises, leurs commerces, et leurs artisans ne se meurent et avant une reprise qu'ils espèrent assez proche, des pays parfois très endettés multiplient les annonces d'aides à l'économie. On doit cependant s'interroger sur les possibilités de financement de ces mesures qui peuvent avoir un coût considérable, notamment aux Etats-Unis, mais aussi en France.
L'annonce la plus spectaculaire a été, en effet, celle de Donald Trump, après qu'il ait dénié les effets catastrophiques du Cov-19. Rappelé à la dure réalité quand, au cours de la semaine du 15 au 21 mars 3,3 millions d'Américains, se sont inscrits au chômage, chiffre porté à 10 millions la semaine suivante, il s'est décidé à prendre une mesure très politique : distribuer directement 1 200 dollars à chaque adulte et la moitié pour les enfants. La théorie de Milton Friedman (1969) de "la monnaie hélicoptère", qu'il a ainsi mis en place, suppose en effet qu'il est plus efficace de distribuer directement de l'argent aux ménages plutôt qu'intervenir par l'intermédiaire du système bancaire avec des crédits aux entreprises. Ces sommes s'ajoutent aux 850 milliards de dollars prévus pour l'industrie et le commerce, avec au total 2 000 milliards de dollars votés par le Congrès républicain pour soutenir l'activité.
Dans notre pays, suivant la Banque de France, chaque quinzaine de confinement induit une perte de l'ordre de 1,5 % du PIB soit environ 35 milliards d'euros. D'où l'annonce faite par le gouvernement, d'un premier plan de soutien de 45 milliards pour les entreprises, qu'il s'apprête à porter rapidement à 100 milliards. Il s'accompagne d'une garantie massive de l'État de 300 milliards d'euros sur les prêts, afin d'inciter les banques à soutenir la trésorerie des sociétés. Dans ce cadre, la mesure la plus emblématique est la mise au chômage technique d'une grande partie des travailleurs. Ceux-ci perçoivent alors 84 % de leur salaire net, l'employeur en étant intégralement remboursé dans la limite de 4,5 fois le smic. C'est ainsi que dans notre pays huit millions de personnes, sur un peu moins de vingt millions, ont cessé leur activité depuis la mi-mars et à la mi-avril 700 000 établissements de toute taille avaient déposé un dossier pour passer en activité partielle en raison du coronavirus.

Une montagne de dettes

Mais ces mesures vont augmenter de manière considérable l'endettement de nos pays. Avant la pandémie, la dette publique des Etats-Unis s'élevait déjà à 23 000 milliards de dollars (21 000 milliards en euros) dont près de la moitié est entre les mains de la Chine et du Japon. A cela, il faut rajouter la dette privée des américains, soit 75 000 milliards de dollars qui inquiète tous les milieux financiers. En outre l'épargne y est très faible de l'ordre de 2 % à 3 %, majoritairement investie en actions. La dette publique de la France est dix fois moins importante alors que le pays ne compte que cinq fois moins d'habitants (70 millions contre 350 millions pour les Etats-Unis) et la dette privée ne dépasse pas 2,6 milliards d'euros. Les détenteurs de la dette ne sont pas connus du public, une loi protégeant leur anonymat, mais une grande majorité résiderait en Europe. L'épargne est l'une des plus importantes de la zone Euro : 15,3 % du produit intérieur brut, soit 370 milliards d'euros. Elle est investie majoritairement en assurances-vie et en produits d'épargne tels le livret A.

Le déclin de l'Amérique

Il résulte de ces chiffres que, la France est beaucoup moins exposée que les Etats-Unis à un problème de remboursement au cas où les créanciers renonceraient à prolonger ou augmenter leurs engagements dans le futur. On peut en effet imaginer que, dans le cadre d'une guerre économique, la Banque Centrale Chinoise se mette à vendre les emprunts d'Etat américains qu'elle détient en grand nombre pour en obtenir le remboursement. Elle serait alors remboursé en dollars qu'il faudrait qu'elle place ailleurs. Mais sur quelle place financière en dehors des Etats-Unis ? Car, la grande force de l'Amérique, c'est que la majorité des transactions internationales se font en dollars. L'arme de ventes massives de bons du trésor américains par les chinois se révèlerait ainsi tout à fait contre-productive et il est très peu probable qu'elle soit mise en place dans un avenir proche. Cela n'empêche pas cependant que les politiques menées par Donald Trump depuis quelques années, et dont la crise sanitaire actuelle est un révélateur particulièrement frappant, mettent en lumière un affaiblissement des Etats-Unis face à la puissance de l'Asie, et de la Chine en particulier. Et, en dépit d'un armement déjà considérable, que son président n'a eu de cesse d'augmenter plutôt qu'améliorer son système sanitaire, il semble bien que l'Amérique avec ses 20 000 morts au 10 avril, ait déjà perdue la guerre du coronavirus. D'autant plus que, suivant Warren Buffet, le gourou de la bourse américaine : "C'est à marée basse qu'on découvre ceux qui se baignaient sans maillot ". O, difficile d'imaginer dans quel état se retrouveront les Etats-Unis une fois la pandémie passée.

Bordeaux, le 11 avril 2020

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