La donation avec réserve dusufruit

Une citation d'Antoine Loysel (juriste des XVIe et XVIIe siècles), bien connue des étudiants en droit, dit que : « donner et retenir ne vaut ». Cet adage laisse penser que celui qui donne (le donateur) ne peut plus exercer aucun pouvoir sur les biens donnés et qu'il n'y a de donation que lorsque celui qui reçoit (le donataire) entre en possession immédiatement de ce qui lui a été transmis. Mais Me Cyril Blanchard va vous dire que ce n'est pas toujours totalement vrai.
Deux droits pour une propriété
La propriété d'un bien est en fait le résultat de l'addition de deux droits :
- l'exercice du droit de propriété d'une part, son usage, sa jouissance, que l'on nomme juridiquement « usufruit »,
- et la propriété du bien sans cette jouissance, d'autre part, que l'on nomme juridiquement « nue-propriété ».
Les avantages du démembrement de propriété
Le « démembrement de propriété » (on sépare la propriété en deux droits distincts), permet à un propriétaire de transmettre un bien tout en conservant l'usufruit qui peut lui être utile soit parce qu'il utilise lui-même le bien, soit parce qu'il en tire des revenus par la location et qu'il a besoin de ces revenus. Par ailleurs, il faut savoir que l'usufruit peut être soit temporaire (la jouissance du bien est réservée par le donateur pendant 5, 10, 15 ans ou plus) soit viager (il s'éteint à son décès). Quel que soit le terme marquant l'extinction de l'usufruit, le nu-propriétaire deviendra alors automatiquement plein propriétaire, sans que cela ne constitue une nouvelle donation. Il en résulte de facto une économie fiscale qui porte sur la valeur de l'usufruit réservée par le donateur. La valeur d'un usufruit viager (cas le plus courant), dépend de l'âge du donateur qui se l'est réservé. Plus ce dernier est jeune, plus son usufruit a une valeur importante. Si l'usufruitier a plus de 51 ans, son usufruit vaut 50 % de la valeur du bien donné, s'il a plus de 61 ans, il n'en vaut plus que 40 %… À chaque nouvelle dizaine, la valeur de l'usufruit baisse ainsi de 10 %, jusqu'à 91 ans révolus, où elle se fige à 10 %. Plus l'usufruitier est jeune au moment de la donation, plus l'économie fiscale est avantageuse. En transmettant une nue-propriété de plus faible valeur, on préserve, en outre, de manière optimale l'abattement fiscal qui s'applique en matière de transmission à titre gratuit. Entre parents et enfants, hypothèse la plus courante, on peut ainsi transmettre, en franchise de droits, pour une valeur de 100 000 euros par parent et par enfant, et cet abattement se reconstitue tous les 15 ans. Une nouvelle transmission (du vivant du donateur ou au moment de son décès) pourra alors s'opérer dans des conditions fiscales favorables. Il faut noter qu'il pourra être prévu, dans l'acte de donation, outre les clauses habituelles en la matière (droit de retour, interdiction de vendre ou d'hypothéquer les droits donnés en nue-propriété…), une prise en charge par le donateur des grosses réparations, par dérogation aux règles du Code civil qui prévoient que de tels travaux sont normalement à la charge du nu-propriétaire.
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