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Le notaire et l'immobilier - 7 Octobre 2019

VENDEUR BRICOLEUR
Quels risques ?


VENDEUR BRICOLEUR - Quels risques ?

Imaginons un vendeur qui a construit sa maison ou qui a lui-même effectué des travaux… Quelles responsabilités encoure-t-il en cas de malfaçons ? Me Mylène GARO-PATTELARD, 2e Syndic de la Chambre des notaires, nous en dit plus sur ce sujet.

Indépendamment de savoir si un permis de construire ou une déclaration de travaux étaient nécessaires, une question se pose si, postérieurement à la vente, des malfaçons se révèlent sur le bien vendu. En fait, la mise en cause de la responsabilité du vendeur dit "vendeur bricoleur" peut se situer sur deux fondements juridiques.

La garantie décennale

L'article 1792-1 du Code civil prévoit qu'est réputée constructeur de l'ouvrage toute personne qui vend, après achèvement, un bien qu'elle a construit ou fait construire. La Cour de cassation considère que tout vendeur ayant construit ou fait construire un ouvrage immobilier dans les 10 ans précédant la vente doit à son acquéreur la garantie décennale couvrant les désordres qui affectent la solidité de l'immeuble ou le rendent impropre à sa destination. Il va sans dire, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, que le vendeur constructeur de sa maison est tenu par cette garantie, qui est d'ordre public et qui ne peut donc pas être écartée par les parties conventionnellement.
Mais qu'en est-il du vendeur ayant réalisé des travaux de rénovation avant la vente ? En fait, c'est l'importance des travaux qui conduira éventuellement à leur assimilation à une construction et donc à l'application ou non de la garantie décennale. Ainsi, la Cour de cassation a assimilé à des travaux de construction l'aménagement de combles, l'agrandissement d'un pavillon, le ravalement de la façade d'une maison… Elle a également étendu cette notion de constructeur aux dommages survenant après des travaux de rénovation ne compromettant pas la solidité du bâtiment ou l'habitation de la maison en qualifiant ces dommages "intermédiaires" (noircissement ou verdissement de façade, défauts dus à une mauvaise application d'un enduit par le vendeur…).Le vendeur bricoleur sera donc assimilé à un constructeur tenu par une garantie décennale, quand bien même les travaux qu'il a réalisés lui-même ne sont pas d'une grande ampleur mais que ces travaux réalisés sur l'immeuble, compromettent sa solidité du fait qu'ils n'ont pas été effectués dans les règles de l'art, ou encore parce qu'ils rendent cet immeuble impropre à sa destination (changement de chaudière effectué par le vendeur présentant des dysfonctionnements après la vente).

Les vices cachés

En matière de garantie des vices cachés, le Code civil prévoit que le vendeur est concerné, sauf si l'acte de vente contient une clause l'exonérant de cette garantie. De longue date, la jurisprudence a considéré que seul le vendeur de bonne foi et totalement profane pouvait invoquer une telle clause d'exonération dès lors qu'il n'avait pas connaissance du vice le jour de la vente. En revanche, le vendeur professionnel eu égard à sa compétence et quand bien même il n'aurait pas connaissance de vices au moment de la vente, serait tenu par cette garantie. L'exonération ou non de la garantie des vices cachés dépend donc du fait de savoir si le vendeur est un professionnel ou non. Le vendeur bricoleur ayant réalisé lui-même des travaux semblerait donc pouvoir invoquer cette clause d'exonération des vices cachés pour se dédouaner de toute responsabilité. Mais la Cour de cassation en a décidé autrement en adoptant au fil du temps une conception extensive de cette notion de professionnel. C'est ainsi que dans les années 2000, la Cour de cassation a considéré que le vendeur dont l'activité professionnelle lui permettait de connaître les vices ne pouvait s'exonérer de la garantie des vices cachés. Tel est le cas par exemple du maçon de profession qui construit seule sa maison. Puis une nouvelle extension de cette notion de professionnel, avec l'impossibilité de s'exonérer de la garantie des vices cachés est apparue en 2011, puis en 2013. Dans un arrêt du 10 juillet 2013, la Cour de cassation a en effet assimilé à un professionnel tenu de la garantie des vices cachés un vendeur bricoleur qui avait vendu sa maison en ayant lui-même installé une cheminée, qui suite à la vente avait subi un sinistre la détruisant en grande partie.
En résumé, le vendeur bricoleur étant assimilé aujourd'hui à un véritable constructeur et professionnel par la jurisprudence, il est tenu des garanties vis-à-vis de son acquéreur concernant les travaux qu'il a pu réaliser, durant 10 ans à compter de l'achèvement des travaux par la garantie décennale et pendant 2 ans à compter de la découverte du vice par la garantie des vices cachés.

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