Du cœur à l'ouvrage
Pour la ministre chargée du Logement, Valérie Létard

Pas un chantier n'échappe à l'attention de Valérie Létard, ministre chargée du logement. Pierre après pierre, elle rebâtit tant les secteurs de la construction que la rénovation ou encore la location. Objectif : proposer un parc immobilier qui répond au parcours résidentiel de chaque Français. En exclusivité pour Immonot, elle dévoile ses plans !
Quels sont les principaux chantiers 2025 de votre politique du logement ?
Valérie LÉTARD : J'ai souhaité engager une politique du logement résolument ancrée dans la réalité des territoires. Cela suppose de travailler main dans la main avec les élus, les professionnels du secteur et, bien sûr, les habitants. Relancer le logement, c'est d'abord redonner confiance à ceux qui construisent, rénovent et investissent.
En 2025, nos priorités sont claires. D'abord, l'accession à la propriété. Nous avons élargi le Prêt à Taux Zéro à l'ensemble du territoire pour les logements neufs, y compris les maisons individuelles. Dans l'ancien, il reste mobilisable en zone rurale, avec une exigence de rénovation énergétique. C'est un levier concret pour soutenir les classes moyennes et les jeunes ménages.
Ensuite, la mobilisation du parc existant. Avec l'appui de la proposition de loi portée par les députés Annaïg Le Meur et Iñaki Echaniz, nous avons donné aux maires de nouveaux outils pour encadrer les meublés touristiques, afin de rééquilibrer l'offre locative dans les zones tendues. Nous facilitons également la transformation de bureaux vacants en logements, pour produire sans artificialiser davantage les sols.
Le logement locatif privé est un autre chantier essentiel. J'ai confié une mission à deux parlementaires, Mickaël Cosson et Marc-Philippe Daubresse, pour proposer un statut du bailleur privé afin de bâtir un cadre fiscal plus lisible et incitatif, pérenne, qui encourage la location longue durée. Leurs recommandations alimenteront le prochain projet de loi de finances.
Et enfin, la relance du logement social constitue une priorité absolue. Face à la baisse de la production observée ces dernières années, nous avons engagé un plan de relance ambitieux, avec des objectifs clairs : 116 500 logements sociaux produits et 130 000 rénovés à l'échelle nationale. Pour y parvenir, nous avons mobilisé des moyens concrets : baisse de la RLS, diminution du taux du Livret A, compensation de l'exonération de TFPB, soutien renforcé aux maires bâtisseurs. Cette dynamique s'inscrit dans une logique de qualité et de diversité de l'offre, avec une attention particulière portée aux publics les plus fragiles, à la transition écologique et à l'adaptation de notre parc aux évolutions de la société.
Le logement touche à l'intime, mais il engage aussi l'intérêt général. C'est pourquoi mon rôle, c'est de répondre à des attentes très concrètes.
Quelles actions avez-vous prises pour faciliter l'accession à la propriété ?
Valérie LÉTARD : Faciliter l'accession à la propriété, notamment pour les primo-accédants, est au cœur de mon action. Ce statut, qui s'adresse à toute personne n'ayant pas été propriétaire de sa résidence principale depuis deux ans, représente une véritable opportunité, en particulier pour les ménages modestes et les classes moyennes.
Depuis le 1er avril 2025, nous avons donné un nouvel élan à l'accession à la propriété. Le Prêt à Taux Zéro a été généralisé à tous les logements neufs, qu'ils soient collectifs ou individuels, sur l'ensemble du territoire, alors qu'il était jusqu'ici limité aux logements collectifs en zone tendue. Cette réforme permettra de soutenir au minimum 15 000 projets immobiliers supplémentaires chaque année.
Le PTZ dans l'ancien est maintenu en zones détendues, avec des exigences en matière de rénovation énergétique, ce qui nous permet de concilier soutien à l'accession et transition écologique.
Enfin, pour accompagner les jeunes générations, nous facilitons la transmission du patrimoine familial. Une exonération de donation permet désormais de transmettre jusqu'à 100 000 euros par parent ou grand-parent dans la limite de 300 000 euros par bénéficiaire pour financer l'achat d'un logement neuf (à occuper ou à mettre en location longue durée) ou des travaux d'amélioration énergétique, jusqu'au 31 décembre 2026. Cette exonération s'ajoute à celle déjà en vigueur pour les donations familiales possibles tous les quinze ans, ce qui constitue un levier renforcé pour soutenir les projets immobiliers des jeunes générations.
J'ai également tenu à protéger les primo-accédants contre toute hausse des droits de mutation décidée localement : l'achat d'un premier logement ne doit pas être pénalisé par une fiscalité plus lourde.
Toutes ces mesures répondent à une ambition simple : rendre la propriété accessible à ceux qui en sont aujourd'hui les plus éloignés, sans jamais renier nos exigences environnementales et notre responsabilité budgétaire.
Que conseillez-vous pour trouver un terrain à bâtir compte tenu de la loi ZAN qui limite l'étalement urbain ?
Valérie LÉTARD : Mon premier conseil est de changer de regard. La loi ZAN n'est pas un frein à la construction, c'est une incitation à bâtir autrement. Il ne s'agit pas d'arrêter de construire, mais de mieux construire. Le zéro artificialisation nette nous oblige à prioriser la mobilisation du foncier déjà urbanisé, plutôt que d'étendre encore les zones urbaines sur les terres agricoles ou naturelles.
Concrètement, cela signifie, pour chaque territoire, de trouver des solutions pour agir en partant de l'existant : identifier les friches, réhabiliter des bâtiments existants, densifier intelligemment.
Dans certains territoires tendus, la transformation des bureaux en logements peut permettre de créer rapidement des logements sans consommer un mètre carré supplémentaire de terrain, tout en luttant contre la vacance du tertiaire. C'est une réponse à la crise du logement, compatible avec nos objectifs environnementaux. Nous avons d'ailleurs soutenu et accompagné la proposition de loi du député Romain Daubié, qui facilite et accélère ces projets de reconversion en levant les freins réglementaires et en simplifiant les procédures.
Dans les territoires au passé industriel, les friches sont une opportunité pour réinvestir ces lieux. Dans le Nord, d'où je viens, on compte de nombreux exemples de friches ferroviaires, métallurgiques, qui ont été transformées pour construire du logement social ou accueillir de nouvelles activités.
En ruralité, il y a aussi des solutions, par le changement de destination des bâtiments qui ont perdu leur vocation agricole ; ou pour rendre plus attractifs les centre-bourgs anciens. Nous mobilisons pour cela de nombreux dispositifs, comme les opérations de revitalisation de territoire.
Chaque territoire a ses propres réalités, je privilégie une approche pragmatique et différenciée : nous travaillons avec les élus locaux pour adapter le cadre et les outils du ZAN aux besoins du terrain, ajuster la fiscalité, sécuriser les projets et accompagner les collectivités dans leurs choix d'aménagement.
Je tiens d'ailleurs à saluer les nombreuses collectivités qui ont déjà fait de cette transition un levier de renouveau urbain. Leur capacité à innover, à anticiper les besoins de demain est exemplaire. Cela prouve qu'avec de la volonté, du dialogue et du bon sens, il est tout à fait possible que le ZAN se fasse avec le développement de nos territoires, et pas contre lui.
Quel levier venez-vous d'activer pour encourager la construction individuelle ?
Valérie LÉTARD : La construction individuelle ne représente qu'une part des besoins en logement, et elle ne peut, à elle seule, répondre aux défis actuels : crise du logement, sobriété foncière, transition écologique… Elle peut être une solution adaptée dans certains territoires, notamment en zone détendue où elle correspond à une demande locale. L'enjeu est donc de construire mieux, en fonction des besoins. Nous avons renforcé les dispositifs favorisant l'accession à la propriété (prêt à taux zéro sur tout le territoire et l'exonération de droits de donation). Ces mesures soutiennent cette demande. Mais l'urgence est ailleurs : produire davantage de logements collectifs, abordables et sociaux notamment dans les zones tendues. C'est là que les besoins se concentrent et c'est là que nous devons intensifier nos efforts. La politique du logement doit s'appuyer sur une vision équilibrée du territoire qui articule mixité, accession et sobriété.
Comment les aides en matière de rénovation énergétique peuvent-elles être mobilisées ?
Valérie LÉTARD : Un des premiers chantiers sur lequel je me suis mobilisée en arrivant est la fiabilisation du Diagnostic de Performance Energétique (DPE) qui est le socle des politiques de rénovation énergétique du bâtiment. Les notaires constatent d'ailleurs chaque année l'impact du DPE sur la valeur " verte " du logement.
Il y avait toutefois des dérives et la fiabilité du DPE était contestée. J'ai présenté le 19 mars dernier un plan pour restaurer la confiance dans le DPE. La plupart des mesures ont été mises en œuvre par un arrêté du 16 juin qui entrera en vigueur le 1er juillet. Par ailleurs, j'ai confié à Henry-Buzy Cazeaux la mission de proposer une formation initiale pour les diagnostiqueurs et au député Daniel Labaronne une réflexion pour créer un ordre des diagnostiqueurs.
Les notaires ont eux aussi leur rôle à jouer, notamment en vérifiant l'authenticité du DPE sur le site de l'Ademe au moment des ventes immobilières.
S'agissant de la rénovation énergétique des logements proprement dite, c'est un pilier de notre politique du logement, à la fois pour des raisons environnementales, sociales et économiques. L'État a mis en place un dispositif central, MaPrimeRénov', qui est aujourd'hui la principale aide publique pour accompagner les ménages dans leurs travaux.
Depuis 2020, plus de 2,5 millions de rénovations ont été soutenues grâce à ce dispositif. Il s'adresse à tous les propriétaires, qu'ils occupent leur logement ou qu'ils le louent, à condition qu'il s'agisse de résidences principales et que le logement ait plus de 15 ans. Le montant de l'aide est adapté aux revenus du ménage, pour garantir une justice sociale dans l'effort de transition énergétique.
Aujourd'hui, MaPrimeRénov' propose plusieurs parcours : des rénovations ponctuelles (par geste), des rénovations d'ampleur qui permettent un saut de performance énergétique significatif, ainsi qu'un parcours spécifique pour les copropriétés. En 2025, plus de 100 000 rénovations d'ampleur seront engagées, preuve que les Français répondent présents.
Pour garantir la qualité des rénovations et protéger les ménages comme les entreprises, nous renforçons en permanence les contrôles. Or, l'argent public doit aller à ceux qui en ont réellement besoin, pour financer des rénovations utiles, bien réalisées, qui améliorent réellement le confort et réduisent les factures énergétiques. En 2024, plus de 44 000 dossiers suspects ont été écartés et près de 230 millions d'euros de fraude évités. Les services de renseignement des ministères économiques financiers (Tracfin) suspectent néanmoins une fraude annuelle d'environ 50 M€ / an (sur 3,6 Mds€ de budget soit entre 3 et 4 %) qu'il faut continuer à combattre.
À court terme, nous avons pris la décision de suspendre le dispositif pendant la pause estivale pour en revoir les paramètres, lutter contre la hausse injustifiée du coût des dossiers et prendre des mesures permises par la proposition de loi de Thomas Cazenave pour davantage lutter contre la fraude.
Il s'agit d'assainir, de restaurer la confiance et de mieux accompagner les ménages. Pour cela, la rénovation énergétique est un chantier collectif : l'État fait sa part, mais les ménages, les artisans, les entreprises, les accompagnateurs ont eux aussi une responsabilité. La réussite de cette politique dépend de notre capacité commune à garantir sa qualité, son efficacité et son intégrité. C'est une condition essentielle pour accélérer, en 2026 et au-delà.
Depuis l'arrêt du dispositif Pinel, comment les investisseurs immobiliers peuvent-ils désormais être incités à proposer un logement locatif ?
Valérie LÉTARD : Dans un contexte où investir en Bourse peut sembler plus simple et plus rentable que d'acheter pour louer, nous devons envoyer un signal fort aux investisseurs privés. Les propriétaires bailleurs jouent un rôle social et économique dont on ne peut pas se passer pour fluidifier le marché du logement. C'est précisément l'objectif du statut du bailleur privé que je souhaite mettre en place dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026. Ce statut, attendu depuis longtemps par les représentants des propriétaires bailleurs et les professionnels du secteur, vise à reconnaître pleinement leur rôle économique dans le fonctionnement du marché du logement. Il s'agit de leur redonner envie d'investir, de leur offrir un cadre fiscal clair, stable et incitatif, et de restaurer la confiance dans un secteur aujourd'hui fragilisé.
J'ai confié à ce sujet une mission au sénateur Marc-Philippe Daubresse et au député Mickaël Cosson. Leur rapport m'a été remis ; il viendra nourrir le travail interministériel autour du prochain budget. La concertation menée avec les acteurs du secteur a été d'une grande qualité, et je constate qu'un consensus fort émerge autour de cette démarche.
L'enjeu est simple, relancer l'investissement locatif dans des conditions durables, remettre des logements, neufs ou existants, sur le marché immobilier, et répondre à la demande croissante.
Quelles vont être vos lignes directrices au niveau du projet de loi de finances 2026 ?
Valérie LÉTARD : Ma priorité pour le projet de loi de finances 2026 est d'abord de sécuriser le budget logement et rénovation que nous avons pu obtenir pour 2025, afin d'assurer la continuité des aides indispensables aux ménages et aux acteurs du secteur.
Plusieurs dossiers importants restent à avancer, notamment la question de la relance de l'investissement locatif, le bon fonctionnement du dispositif MaPrimeRénov'. Les débats sont encore en cours, et je poursuis les échanges avec l'ensemble des acteurs concernés : collectivités territoriales, bailleurs sociaux, fédérations professionnelles, entreprises du bâtiment, associations, professionnels pour bâtir des solutions adaptées et équilibrées.
Toutes ces décisions s'appuieront sur la concertation approfondie que j'ai engagée tout au long de mon exercice de ministre du Logement car, comme je l'ai toujours affirmé, je souhaite avancer avec les acteurs du secteur et au service des Français.
Pourquoi faut-il aujourd'hui s'efforcer d'acheter sa résidence principale, selon vous ?
Valérie LÉTARD : Parce que devenir propriétaire de sa résidence principale reste, pour beaucoup de Français, un objectif de vie, un acte de sécurité, de stabilité. Dans un contexte économique incertain, où le logement représente une part toujours plus importante du budget des ménages, accéder à la propriété permet de se projeter dans l'avenir, de se constituer un patrimoine et de se prémunir contre l'augmentation des loyers.
Mais c'est aussi, pour les plus jeunes et les classes moyennes, un levier fondamental de mobilité sociale et territoriale. C'est une aspiration légitime, à laquelle l'État doit répondre. Favoriser l'accession à la propriété, c'est aussi un enjeu d'équilibre du marché. Un logement acheté, c'est souvent un logement libéré dans le parc locatif, et donc une chaîne de mobilité qui se met en mouvement.
Mais il ne s'agit pas d'opposer les modèles. Un marché de l'immobilier équilibré, c'est un marché immobilier qui fonctionne en système, dans une complémentarité et une fluidité entre le parc privé et le parc social, sans oublier l'ensemble des dispositifs d'accession sociale à la propriété, comme le PSLA ou le BRS. Ce sont autant de solutions adaptées à la diversité des parcours de vie et des réalités territoriales.
Propos recueillis par C. Raffaillac le 1er juillet 2025
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