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Regard sur l'actualité - 21 Août 2014

Dixit Piketty


Dixit Piketty

La question de la répartition des richesses est au centre de bien des débats qu'ils soient économiques ou politiques. Voici quelques réponses apportées par un chercheur français qui a réussi à séduire l'Amérique par la pertinence et la qualité de ses réflexions.

Le phénomène Piketty

Économiste et chercheur en sciences sociales, Thomas Piketty connaît un succès foudroyant depuis la parution de son livre "Le capital au XXIe siècle".

En moins de six mois, 450 000 exemplaires ont été vendus pour l'édition anglaise et 150 000 pour l'édition française (970 pages). Les économistes américains portent aux nues ses travaux sur les inégalités, fléau combattu par le Président Obama. Paul Krugman, prix nobel 2008, considère qu'il s'agit d'un livre "qui va changer la façon à la fois dont nous pensons les sociétés et celle de faire de l'économie".

L'ouvrage repose sur une monumentale banque de données patiemment constituée pendant quinze ans. Il traite de la répartition des revenus et des patrimoines depuis le XVIIIe siècle et les leçons que l'on peut en tirer pour le XXIe.

Évolution des inégalités

La comparaison entre pays est établie en rapprochant la valeur totale des patrimoines privés du revenu national (1).

Pour un pays, ce rapport est d'autant plus élevé que le taux d'épargne est important et que son taux de croissance est faible. En Europe, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, époque particulièrement prospère, la valeur des patrimoines atteignait six à sept années de revenus.

Ce rapport est retombé à deux ou trois années pendant la période 1914-1945, témoignant ainsi d'une forte réduction des inégalités en période de conflits. Depuis 2010, il a considérablement augmenté et atteint six années.

Les patrimoines hérités représentaient 80 % à 90 % du patrimoine total en France au XIXe siècle. Cette part est tombée à 40 %, voire 50 % au XXe. Elle devrait dépasser 70 % en 2020 et atteindre 90 % en 2050 si la croissance se limite à 1 % par an et le rendement à 5 %.

1. Le revenu national est proche du produit intérieur brut PIB, mais tient compte à la fois de l'usure des moyens de production et des revenus nets reçus de l'étranger. Au niveau mondial, Revenu = Production.
Le capital comprend l'ensemble du capital immobilier et du capital financier et professionnel. Il est équivalent au patrimoine.

Origine des inégalités

L'évolution des inégalités est déterminée par l'écart entre le taux de rendement du capital "r" (c'est-à-dire ce que rapporte le capital sous forme de profits, dividendes, intérêts...) et le taux de croissance des revenus "g".

Plus l'écart est élevé et plus les inégalités sont fortes. Entre les années 1700 et 2012, le taux de croissance du PIB a été en moyenne de 1,6 % par an. Auparavant, il ne dépassait pas 0,1 %.

Les taux de croissance de 3 % ou 4 % que l'on a connus pendant les "trente glorieuses" sont donc exceptionnels. Le taux de rendement du capital avoisine 4 % à 5%. Ainsi, dans les pays riches, le revenu moyen par habitant est actuellement de 30 000 euros  par an. Il se décompose en 21 000 euros de revenu du travail et 9 000 euros de revenu du capital.
Le patrimoine par habitant, six fois plus important, s'élève à 180 000 euros, ce qui donne un rendement moyen de 5 %.

C'est au niveau du capital que les inégalités sont les plus extrêmes. Actuellement, en France, 10 % de la population la plus riche détient 62 % du patrimoine total alors que 50 % des plus pauvres n'en possèdent que 4 %. Aux États-Unis, ces parts sont respectivement de 72 % et 2 %.

Solutions proposées par Piketty

La réduction des inégalités doit s'appuyer sur deux éléments.
En premier lieu, sur "le processus de diffusion des connaissances et d'investissement dans les qualifications et la formation". C'est notamment ce qui permet aux pays pauvres ou émergents de rattraper les pays riches.

En second lieu, il préconise de rétablir l'impôt progressif, tant sur le revenu que sur les successions. Ce procédé a joué un rôle central dans la réduction des inégalités au cours du XXe siècle. C'est ainsi qu'aux États-Unis et en Angleterre, un taux marginal maximum d'imposition de 80 % a été appliqué entre 1940 et 1980. Depuis, il est retombé autour de 40 %, facilitant l'explosion actuelle des inégalités.

Enfin, pour éviter la concentration mondiale des patrimoines, "l'outil idéal serait un impôt mondial et progressif sur le capital, accompagné d'une très grande transparence financière internationale... qui peut s'obtenir par la transmission automatique d'informations bancaires".

Par le professeur Bernard Thion

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